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“Pour autrui”, bouleversante ode à la vie de Pauline Bureau

Hélène Kuttner 30 septembre 2021
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© Christophe-Raynaud-de-Lage

Après Mon cœur sur le scandale du Mediator, Hors la loi qui racontait le procès d’un avortement dans les années 70 et Féminines, “Prix de la Critique 2020”, Pauline Bureau et sa compagnie La part des anges présentent au Théâtre de la Colline leur dernière création sur un sujet d’une brûlante actualité, le droit à la GPA. Entre documentaire et roman d’amour, le spectacle est une totale réussite.

Scénographie somptueuse

© Christophe-Raynaud-de-Lage

Emmanuelle Roy, la scénographe, a conçu un décor sur deux niveaux qui permettent aux personnages de passer d’un appartement à un autre, d’une maternité de San Francisco à un building de haut standing à Francfort, d’un aéroport à un cabinet de radiologie. Comme au cinéma, ce spectacle va balader le spectateur autant dans l’espace que dans les émotions et le temps, puisque le personnage principal, interprété par Marie Nicolle, est une jeune femme de 35 ans qui conçoit des toits d’immeubles végétalisés et qu’on la rencontre à Francfort, en pleine démonstration pour un promoteur de Dubaï, avant de la suivre en salle d’embarquement pour une rencontre fortuite durant une effroyable tempête de neige qui bloque les avions au sol. C’est Alexandre, un marionnettiste, joué par Nicolas Chupin, qui va la faire chavirer et au fil d’un voyage de nuit dans une vraie voiture, le temps d’un café, deviendra l’homme de sa vie et le père de son enfant.

Quand le réel percute le rêve

© Christophe-Raynaud-de-Lage

Naturellement, les choses ne vont pas être aussi simples et l’histoire que conte Pauline Bureau croise celle de beaucoup de femmes et de couples. Liz va perdre son enfant en raison d’un problème médical et grâce à sa soeur Kate, sage-femme à San Francisco, campée par l’explosive Rebecca Finet, trouvera en Rose, jeune mère de famille américaine, une mère porteuse solaire et généreuse alors que la loi française interdit cette pratique sur le sol français. Hésitations, effondrement, opération chirurgicale, dépression, colères conjugales, le chemin douloureux de Liz, qui réalise qu’elle ne pourra plus avoir d’enfant, croise aussi celui de sa chirurgienne, incarnée par l’admirable Martine Chevalier, qui joue aussi sa mère impossible. La comédienne alterne savoureusement le principe scientifique de réalité avec le médecin et la folie égocentrique de la mère, débordée par ses préjugés bourgeois.

Une bande d’acteurs formidables

© Christophe-Raynaud-de-Lage

La scénographie fluide comme un film, les lumières sophistiquées et précieuses, la musique suavement métissée de funk  qui dessinent un univers rond et doux comme un oeuf, utérin et maternel, ne prennent jamais le pas sur le jeu extrêmement précis, juste et sincère des comédiens. Marie Nicolle met son charme et sa fougue au service du personnage principal avec une vulnérabilité qui fait toute son humanité. Yann Burlot (le père), Nicolas Chupin (le conjoint), Maria Mc Clurg (la mère porteuse), Sonia Floire (la responsable de l’association) et Camille Garcia (Océane) sont tous excellents dans une belle simplicité d’interprétation, même si la toute fin du spectacle, avec la présence de l’enfant de Liz, vient surcharger un propos déjà très dense. Du théâtre, en tous cas, qui informe et emporte, avec une belle douceur.

Hélène Kuttner

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